Margot de Jubécourt
romans d'espérance
Quand les Gasnet emménagent dans leur nouvelle maison, ils font face à des actes de vandalisme répétés. Très vite, ils découvrent la bande de petits délinquants qui signe tous ses méfaits d'un dessin de chacal.
Qui se cache derrière ce masque ? Jusqu'où iront-ils ? Comment enrayer la spirale destructrice qui entraîne tout un clan vers sa chute ?
Tanguy Gasnet, l'aîné, va tenter de donner à ces questions une réponse positive.
Roman scout à partir de 12 ans
Autoédition 2020 - 15€
Disponible en e-book
Des personnages attachants et des formules savoureuses ! La plume de Margot de Jubécourt donne des envies d'aventure particulièrement appréciables pour égayer les hivers confinés...
Marie
Très bon livre qui se lit à tout âge ! Digne des Signe de Piste !
Vince
LE MASQUE DU CHACAL
"À ceux qui sont faits pour le scoutisme et qui ne le savent pas.
À ceux que le scoutisme a faits et qui le savent bien."
1.
L'empreinte du Chacal
Le parquet de chêne brillait à la lumière du jour. Ses lattes aux tons dorés s’enchaînaient harmonieusement dans un grand salon vide. Les murs blancs accentuaient cette nudité. Seules une large cheminée de pierre et quelques piles de cartons meublaient la pièce. Le silence régnait. Les fenêtres et portes ouvertes aidaient les murs à se débarrasser d’une tenace odeur de peinture fraîche. Quelques chants d’oiseaux se réverbéraient dans cette grande pièce vide.
Un bruit de klaxon retentit, les graviers crissèrent sous le poids d’une voiture. Le monospace se gara dans la cour qui faisait face au salon. Dès son arrêt, il expulsa ses passagers, bientôt imité par un deuxième véhicule.
Les Gasnet étaient de ces quelques familles bourgeoises que l’on repère à leur nombre d’enfants. Taillée pour cette maison de maître à toit gris, à moulures élégantes, à hautes fenêtres blanches, la fratrie était dirigée par un homme bien en chair, aux allures de général retraité.
Un voisin ouvrit sa fenêtre pour regarder la famille, cigarette à la bouche. Il eut un sourire goguenard… Vraiment, quel cliché ! Malgré sa tenue usée de déménageuse, la mère affichait son éducation bourgeoise par un port de tête élégant, un maintien gracieux et une coiffure soignée. Quant aux enfants… Le voisin les compta, les recompta… Neuf ! Il éclata de rire et invita sa femme à le rejoindre pour profiter du spectacle.
Les visages se ressemblaient : grands yeux noirs, nez grecs, pommettes hautes, sourires étirés, et quelques paires d’oreilles décollées ici et là. Les cheveux des garçons étaient coupés courts, ceux des filles noués en queues de cheval ; ils se déclinaient du blond au brun dans toutes les nuances. Le plus jeune enfant, âgé d’une dizaine d’années, taquinait ses sœurs pour oublier l’ennui du voyage. Les aînés, plus tranquilles, détaillaient la façade de la maison en échangeant leurs impressions.
Sur un signe du père, tous entrèrent dans la maison pour la visiter, excités à l’idée d’emménager enfin.
Quitter Paris pour la région de Rouen avait été difficile. Si les quatre aînés, étudiants ou professionnels, n’avaient vu que la perspective d’un changement amusant dans ce déménagement, les autres le vivaient comme un véritable arrachement à leurs habitudes et à leurs amis.
La découverte de la nouvelle maison effaçait pour quelques heures la tristesse d’une page tournée à regret. Les pas déboulèrent sur le couloir aux carreaux de ciment multicolores. À gauche le salon ; à droite une grande salle à manger communiquant avec la cuisine, son cellier et sa cave… Un bureau se cachait dans un recoin que l’on devinait calme à toute heure.
Les escaliers de bois grincèrent au passage des plus jeunes, avides de nouvelles découvertes, alors que les aînés observaient avec plus d’attention les pièces du rez-de-chaussée, visualisant déjà leur vie future en ces murs.
L’étage était desservi par un couloir au plancher grinçant. Les chambres étaient distribuées irrégulièrement, par une petite antichambre, trois marches ou un pallier, selon leur situation. L’une communiquait avec une salle de bain, l’autre avait son lavabo, une cheminée habitait la voisine, et la dernière avait droit à un balcon… Vaincus par le charme de ces pièces toutes différentes, et belles à leur façon, les premiers arrivés débattirent pour choisir leurs chambres respectives.
— Il y a encore un étage ! s’exclama le benjamin en découvrant un escalier.
Le sol trembla sous les pas des enfants, et ils rejoignirent le dernier étage.
— Oh !
Les filles grimacèrent, alors que les garçons ouvraient des yeux ravis. L’escalier donnait sur une pièce unique, un large grenier au plancher jonché de mouches mortes.
— Une salle de jeux !
— Un giga-dortoir !
— Un cimetière d’insectes…
Pressés de s’installer, ils redescendirent aussitôt pour rejoindre leurs parents.
Le camion de déménagement arriva peu après, et chacun contribua à l’effort général en transportant cartons légers ou meubles précieux.
Cette journée éprouvante fut marquée par la bonne humeur de tous. Les déménageurs professionnels se mêlèrent à la famille pour un déjeuner en plein air, sous un ciel sans couleur. La pause fut courte pour les bras épuisés, néanmoins personne ne rechigna à aider.
Le camion se vida et la maison se remplit : cartons, armoires en kit et meubles imposants, plantes vertes, matériel de bricolage, chaussures en vrac, luminaires… Si le déchargement était terminé à la fin de la journée, il restait à présent le plus long : la répartition des chambres, la disposition des meubles et des effets de chacun…
Jean-Michel et Agnès – les parents – se couchèrent ce soir-là sur un matelas posé à même le sol, alors que les enfants s’entassaient dans les chambres restantes. Ils soupirèrent d’un même souffle, s’endormirent rapidement. La suite serait fastidieuse.
Contrairement à leurs craintes, ils mirent très vite de l’ordre dans la nouvelle maison les jours suivants. Les enfants offrirent tout naturellement leur énergie pour ce chantier exceptionnel. Chambres attribuées, meubles montés et installés, la famille put vite s’approprier la maison et profiter de l’été.
Le mois de juillet laissait sur le ciel de larges traînées blanches. Les enfants le remarquèrent assez vite, avec une ironie déçue.
— Il faisait meilleur à Paris. Si c’est pour avoir un été sans soleil, on a bien fait d’emménager en juillet…
Magali, dix-sept ans, était d’humeur maussade. Penchée sur son téléphone portable, elle guettait le moindre message de ses amies lycéennes qu’elle avait dû quitter.
— Nous pourrions faire un tour dans la ville pour visiter, proposa le père pour lui changer les idées.
— Et inviter les voisins… suggéra la mère
— Des ploucs ! lança Magali avec dédain. As-tu vu comme ils nous observaient ces jours-ci ? Un moustachu en marcel et une bonne femme engoncée dans des robes trop étroites… Merci bien !
— Il n’est pas moustachu.
— Eh bien il pourrait, ce serait l’archétype du paysan buvant sa bière avec une clope coincée entre les chicots.
— Ça suffit, Magali, tu ne les connais pas et tu manques de charité. Ne juge pas ainsi !
— La charité, je m’en balance.
— C’est quand même un super terrain ici ! lança un garçon. Ça donne envie de camper. On pourrait dormir une nuit à la belle étoile ?
— Moi, dit le plus jeune, je trouve que ça a plutôt l’air d’un grand terrain de foot.
Le père et ses fils se retournèrent pour contempler le jardin. Au cœur de la ville, sa valeur était inestimable. Un large tapis vert – deux mille mètres carrés – courait jusqu’à un petit bois de feuillus, le tout clos de murs hauts de deux mètres. L’herbe fraîchement tondue appelait une partie de ballon. Ils se rallièrent au benjamin et à son idée brillante.
Magali soupira, sa sœur aînée lui sourit gentiment. Alors que les petites rejoignaient les garçons pour se défouler, les femmes optèrent pour un tour de jardin afin de repérer les massifs à cultiver. Arrivées au bois, elles le contournèrent, longeant les murs par un chemin dégagé.
La mère se statufia devant les murs du fond. Des graffitis aux couleurs agressives recouvraient les pierres.
— Qu’est-ce que c’est que ce… bégaya la mère.
— Ouh ! c’est moche…
— C’est bien dessiné, tempéra Magali.
Agnès fit demi-tour pour aller chercher son mari, interrompant la partie de football.
— Qu’est-ce que c’est que cette horreur ? s’étonna Jean-Michel devant la fresque.
— Sans doute un cadeau de l’ancien propriétaire !
— Ça m’étonnerait ! Le mur était parfaitement propre il y a dix jours.
— Je ne vois pas qui d’autre aurait pu dessiner tout ça vu les murs qui nous entourent.
— Peut-être une bêtise de ses enfants…
— On regardera demain si on peut nettoyer, dit le fils aîné.
— Tanguy a raison, tranquillisa le père. Nous verrons avec les garçons demain. Profitons de cette belle soirée dans notre magnifique maison !