Margot de Jubécourt
romans d'espérance
Étienne, stupéfait, regarde la jeune fille qui vient de chaparder une pomme. Elle lui tient tête : qui est-il, ce grand gaillard, qui lui fait la leçon ?
Deux jeunes destins qui s'affrontent. Étienne s'enfonce dans le travail à corps perdu. Manon, dont l'enfance fut douloureuse, est face à des choix cruciaux. C'est alors qu'un drame s'installe dans le village : l'entreprise d'Étienne est menacée…
Un beau roman qui met en avant les richesses de l'amitié, source de guérison profonde chez deux jeunes à l'aube de leur orientation. De belles pages sur le pardon qui peu à peu jaillit du cœur de cette jeune fille, si blessée par l'acte grave de son père.
Roman chrétien à partir de 13 ans
éditions Téqui, 2013 - 15€
Coup de cœur du libraire.
Très beau roman. Une belle histoire d'amitié, qui permet à deux jeunes de guérir et de grandir...
Un petit bijou, signé par un jeune auteur.
Librairie de l'Emmanuel
Apprentissage d’un métier mais surtout de la vie, amitié, confiance, pardon, ce roman défend clairement des valeurs positives, sans pour autant sombrer dans la mièvrerie.
Un premier roman plein d’enthousiasme.
Chouetteunlivre.fr
POUR QUELQUES ŒILLETS
Prologue
Aix-en-Provence ruisselait sous la pluie. Les rues inondées étaient désertées peu à peu ; le ciel anesthésiait la ville dans une pénombre prématurée en cette fin d’après-midi. Les réverbères se reflétaient sur la chaussée mouillée.
Juin était capricieux, maudit des touristes. Les gouttières vomissaient à flots l’eau du ciel, et le mistral chassait à sa guise les torrents de pluie, dissuadant les piétons de sortir. Les fenêtres s’éclairaient, une à une. Chacun se terrait.
Le Palais de Justice des Bouches-du-Rhône bravait l’averse, bien assis sur ses colonnes, écrasant d’autorité. Ce soir-là, Monsieur Franck Chastel fut condamné à vingt ans de réclusion criminelle, pour le meurtre de sa compagne plus de deux ans auparavant.
Leur fille Manon, qui « fêtait » ses seize ans le soir du crime, quitta la Cour d’Assises en sanglots, harassée, brisée par cette journée éprouvante qui concluait deux odieuses années d’information judiciaire.
Depuis le drame, un oncle lointain et généreux finançait ses études dans un internat marseillais. Un officier de police judiciaire était venu briser la monotonie de ses semaines, pour un entretien avec l’unique témoin du meurtre. On avait demandé à l’adolescente de préciser les relations d’Emma Walter et Franck Chastel, il lui avait semblé qu’on lui parlait d’étrangers aux noms directement tirés de faits divers. Elle s'était prise de remords en réalisant qu’on lui avait soutiré des accusations contre son père, d’horreur quand il avait fallu décrire l’homicide. Inévitablement, elle s’était effondrée en larmes avant la fin de l’entretien, pour revenir ensuite à ses études, encore plus angoissée.
Elle n’attendait que la clôture du procès pour quitter Marseille, sachant que personne ne contesterait le verdict, quel qu’il soit : ni son père, rongé par les remords jusqu’à la folie ni la famille inconnue de sa mère.
Ces derniers jours avaient été les plus exténuants : cinq jours de baccalauréat, auxquels succédait le procès. Manon se présenta à l’examen avec une volonté inaltérable, avant de s’écrouler sur les bancs de la Cour d’Assises, abattue.
Elle n’avait plus la force d’attendre les résultats du baccalauréat, anéantie par le verdict sévère et le regard touchant de son père désespéré.
Le tonnerre gronda, la pluie redoubla de force. Le curé de sa paroisse, qui l’avait prise en amitié et avait assisté au procès, reconduisit la jeune fille à Marseille. Il lui offrit un repas qu’elle ne toucha pas, l’hébergea pour la nuit. Le lendemain, il constata son départ, retrouvant ses effets abandonnés comme autant de souvenirs à oublier.
Elle n’emportait pour tout bagage que des papiers administratifs et le salaire de modestes travaux d’étudiante.
Le prêtre soupira et déposa un lampion aux pieds de la Vierge qui ornait son salon, pour lui confier la petite.
1.
Les frères Agostin
Manon marchait sans s’arrêter, en un réflexe machinal.
Elle était éreintée, affamée, assoiffée. Ses cheveux cachaient leur teinte fauve sous une crasse repoussante, ses yeux bleus perdaient leur couleur sous la lumière aveuglante de l’été, ses lèvres desséchées pâlissaient d’effort en effort. Bruni par le soleil et la poussière, son visage maigre était un portrait de souffrance, offrant des pommettes saillantes et des os anguleux que l’on aurait eu peur de briser. Ses épaules grêles, fragiles, supportaient un blouson de daim trop chaud à cette heure de l’été, trop froid pour les nuits à la dure. Une besace de cuir frottait son jean à chaque pas, freinant son avancée. Ses jambes tremblaient mais la soutenaient encore, on ne savait par quel miracle ; de petites baskets de toile, usées, brûlaient sa peau fine.
Elle s’épuisait sans but et sans envie.
Elle arriva dans un bois de feuillus. Ici, l’atmosphère était reposante, l’air était frais, l’humus exhalait un parfum léger. Cependant, la lumière éblouissante se devinait dès la fin du sous-bois. La jeune fille soupira, lassée par cette perspective. Quelques pas encore…
À la lisière, elle s’arrêta, stupéfaite. Elle découvrait un paysage saisissant, une vallée entière tapissée de champs multicolores, des hectares de fleurs s’étalant à perte de vue, qui parfumaient l’air de leurs arômes entêtants. Abreuvé par un ruisseau clair scintillant au soleil de juin, un village se blottissait au creux de la vallée d’où s’élevait sa modeste rumeur. Quelques champs de blé, de maïs, parsemaient le camaïeu ; des vaches indolentes paissaient dans un pré.
Manon se pencha pour ôter un gravillon de sa chaussure, étourdie par ce tableau fantastique. Elle se redressa et sourit, au bord des larmes ; toutes ses émotions se mêlaient : peine, joie, désespoir et soulagement. Elle s’assit sur le bord de la route dans l’herbe fraîche, à l’ombre d’un chêne. Elle laissa couler ses larmes, dont on ne savait plus si elles traduisaient le chagrin ou l’apaisement.