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Photo du rédacteurMargot de Jubécourt

J'ai réduit mon roman de 20%

Nous sommes en juillet 2012, j’ai 19 ans. Je viens de recevoir la réponse positive d’un éditeur pour mon premier roman !


J'ai reçu votre manuscrit. Assez prometteur, je dois dire. Du style et peu de fautes. L'histoire a de la consistance.

Je suis transportée de joie.

J’ai travaillé dur pour en arriver là. L’écriture a été facile, mais j’ai ensuite dû réécrire mon premier jet plusieurs fois. Intégralement. Sur les conseils d'autres auteurs. Un long travail d'environ un an.


Champagne, donc !


Mais quand je lis les premiers commentaires de l’éditeur sur mon texte, je prends peur.

Mon roman fait 253 pages. Les autres livres de la collection en font 200.


Nous n'allons que rarement au-delà de 200 pages pour une question d'unité entre les livres de la collection et pour une question de coût. Il va falloir faire des coupes sombres dans le manuscrit, 53 pages à retirer.

« Sans rien changer à l’histoire. »

Dingue.


Alors, j’hésite.

D’un côté, c’est l’éditeur avec lequel je rêvais de travailler.

D’un autre côté, 50 pages… Abusé ! Je ne vais quand même pas retirer 1/5 de mon roman, ça va pas la tête ?



... Donc, je me lance.



Il faut dire que les autres commentaires de l'éditeur sur mon texte sont pertinents. Le feeling passe bien, entre professionnalisme et humour. Je me sens en confiance.




Je fonce. Corrections des maladresses et des virgules, suppression des doublons, reformulation, choix des mots... je taille tout ce que je peux !


- Trois exemples de coupes sombres -

(Si je pouvais, aujourd'hui, j'en enlèverai encore la moitié !)



Petit à petit, je gagne une ligne... un paragraphe... une page.

Et je prends goût à l’exercice. Oui oui !

Parce que je réalise que mon récit avait besoin de ce toilettage ! J’avais corrigé beaucoup de choses, déjà, mais de nombreux doublons persistaient. Pas seulement des répétitions de mots, mais aussi des répétitions de comportements, de pensées, de situations.


  • Quand Étienne est en colère, il tremble, serre les poings, tonne, et sa voix fait trembler les murs. Un seul de ces indices suffit à traduire son émotion.


  • Quand Manon est triste, elle pense à son passé, à sa situation précaire, et puis encore au passé, parce que quand même, elle est très triste. J'ordonne mes idées : une par paragraphe, et pas deux fois la même.


Je sais bien pourquoi il y a tant de répétitions ! C’est parce que je pensais, à l’époque, qu’un bon roman devait être un roman volumineux, dans lequel on a du mal à retrouver un passage précis.

- Ai-je besoin de vous dire que, depuis, j’ai complètement changé d’avis ? -


Bref. Je coupe les branches inutiles de mon récit. Une page. Dix pages. Trente pages. (Ce serait à refaire aujourd'hui, j'en taillerais deux fois plus.)


Je sens qu’à chaque reformulation, à chaque suppression de paragraphe, je gagne en puissance, en efficacité. Mon éditeur est content, moi aussi. Ce travail m’enthousiasme, je le trouve passionnant… et il m’emplit de fierté !



À quelques endroits, il faut ajouter une scène, un dialogue, pour gagner en cohérence. Rhaaaaa ! Je prends encore deux, trois, cinq pages dans le viseur. Ça fait chuter mes résultats. Mais qu’à cela ne tienne, je ne lâche rien. Je m'y colle tous les jours, dans la joie et la bonne humeur !


Le résultat ?

53 pages supprimées sur les 251 initiales.

Un texte de 198 pages.

Soit une réduction de 21%.

Objectif atteint !



Cette expérience, presque 10 ans après, marque encore mon style. Depuis que j'ai appris la concision, je m'en suis fait une exigence. Je pèse mes mots, je les affûte, et je m'efforce de n'écrire que ceux qui sont nécessaires.



Je fais la guerre aux doublons en tous genres, je coupe des passages entiers, je reformule les phrases qui ne me plaisent pas (c'est-à-dire toutes). Et chaque jour, je mesure deux choses :

  • le chemin parcouru, l'évolution indéniable de mon style depuis ces dix ans, tellement satisfaisante ;

  • le chemin qu'il me reste à parcourir pour épurer mon style et atteindre l'affûtage parfait.


En écriture, travailler, c'est progresser. Et l'apprentissage n'est jamais terminé !



Sur ce, je retourne à ma réécriture du moment. Cet article m'a mise en appétit, j'ai envie de supprimer des mots !

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